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CHRONIQUE JUDICIAIRE : Me Ibrahim SALAMI, un « acquittateur » en série !

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Ces derniers temps, les chroniques judiciaires des années 1970 ont refait surface sur les réseaux sociaux. Il s’agit notamment de l’affaire TAIGLA avec tous ses mystères et celle du docteur Vogler. Ces affaires ont concerné des cadres de la nation et ont passionné plus d’un. Près de nous, d’autres histoires criminelles s’écrivent.

J’ai fait un tour au village la semaine dernière, à l’occasion de la fête de Tabaski. Faisant le tour de la ville le surlendemain de cette grande fête musulmane, j’ai vite compris qu’un événement inédit se produit au Tribunal de Pobè. Les personnes averties savent que les réformes engagées par le gouvernement Talon sont entrées en vigueur et en application depuis peu.

C’est en effet la fin des cours d’assises dans les cours d’appel avec leurs jurys populaires et l’entrée en scène des sessions criminelles décentralisées dans les tribunaux.
C’est ainsi que les sessions criminelles du Tribunal de Première Instance de Deuxième Classe de Pobè ont accueilli le procès en assises de Monsieur Moïse OMONLEKAN ce mardi 13 août 2019.

En raison de sa situation d’indigence et pour lui assurer un procès équitable avec les garanties que cela impose, l’Etat lui commet un avocat d’office.
L’avocat peut-il faire bouger les lignes et faire basculer le procès ? C’est la question que je me suis posé en voyant le déroulé de ce procès qui était perdu d’avance pour l’accusé. Un avocat commis d’office peut-il donner le meilleur de lui-même dans un dossier où il a été commis d’office ? J’ai compris que oui.
J’ai eu l’agréable surprise de voir comparaître Maître Ibrahim David SALAMI, l’un des ténors du barreau du Bénin pour assurer la défense de cet accusé. Monsieur Moïse OMONLEKAN, âgé de 22 ans au moment des faits, orphelin de père, cultivateur demeurant à Iloulofin, illettré, en concubinage sans enfant, a été accusé des faits d’assassinat prétendument commis sur la personne de la nommée Idji LEDEHOUN, la seconde épouse de son père (sa marâtre ou sa belle-mère). Ce brillant avocat est aussi professeur de droit constitutionnel et de droit administratif. Je sais qu’en ces matières, il est le plus ancien dans le grade le plus élevé en droit public (professeur agrégé et titulaire ) mais je ne l’ai jamais vu plaider un dossier au pénal. Le spectacle valait donc le détour et le jeu en valait la chandelle.

Les Faits

Les faits de ce dossier méritent d’être rappelés. Tout part d’un appel téléphonique à la Brigade Territoriale de Pobè par le chef d’arrondissement d’Issaba informant d’un cas de mort suspecte. Ce dernier expliquait en substance que dame Idji LEDEHOUN portée disparue depuis le vendredi 2 Octobre 2015 venait d’être retrouvée sans vie dans une brousse non loin de son domicile et que le nommé Moïse OMONLEKAN serait l’auteur de cet homicide selon le témoignage déterminant et quasi exclusif de sa propre femme dame Philomène OGOUBAYE, âgée de 34 ans au moment des faits.
Interpellé, Moise OMONLEKAN nie ou ne reconnaît pas les faits mis à sa charge. Au-delà de la variété dans ses déclarations à toutes les étapes de la procédure, il y a une constance, l’accusé ne reconnait pas être l’auteur du meurtre de sa marâtre dame Idji LEDEHOUN.

Le crime semble avoir été commis en famille, par un membre de la famille. Mais ce qui est curieux c’est que c’est la propre femme de l’accusé qui est la seule et unique accusatrice de l’accusé. Victime de nombreuses fausses couches jusqu’à ses 35 ans, elle n’arrivait toujours pas à concevoir après trois (03) ans de vie commune avec l’accusé.
Dans l’optique d’obtenir la faveur de DIEU, elle a participé, en compagnie de la mère et de la sœur de son concubin, à une croisade de trois (03) jours organisée dans leur village. Monsieur Moïse OMONLEKAN n’étant pas intéressé par cette campagne d’évangélisation, s’est vu contraint par sa mère et sœur à y assister le troisième et dernier jour. Mais ce dernier quitta très tôt les lieux de ladite prière.

Ayant constaté le départ précipité de son mari, dame Philomène OGOUBAYE, de retour à la maison, découvre du sang dans la maison puis le cadavre de la victime non loin de la maison familiale. Elle n’a pas manqué d’accuser sa propre belle-mère, dame Déborah ANICHE d’être la complice de son fils.
Après enquête et instruction corroborant pour l’essentiel les dires de sa concubine, seule et unique accusatrice, Monsieur Moïse OMONLEKAN fut placé sous mandat de dépôt jusqu’à l’ouverture de son procès, soit quatre (04) ans d’incarcération. L’instruction de la cause a été faite exclusivement à charge.
Par contre, Madame Déborah ANICHE, gardée à vue au début de l’enquête préliminaire, n’a pas été finalement poursuivie pour complicité d’assassinat.

La Comparution

Comparant devant le Tribunal statuant en matière criminelle et en premier ressort, son avocat, le célèbre Ibrahim David SALAMI réussit à mettre en exergue les éléments à décharge montrant de ce fait les limites de l’enquête préliminaire et de l’instruction préparatoire lors de l’instruction à la barre.
L’intervention de la défense à cette étape cruciale a réorienté l’instruction de l’affaire en faveur de l’accusé puisque le dossier ne contient aucune preuve pouvant justifier les charges retenues contre lui.
Le Procureur de la République près le TPI de Pobè, dans ses réquisitions qui tendait à faire de l’accusé le parfait coupable en procédant par élimination des différentes personnes susceptibles d’être suspectées du crime survenu, a demandé que Monsieur Moise OMONLEKAN soit retenu dans les liens de l’assassinat et une condamnation à vingt (20) ans de travaux forcés.

La Plaidoirie

Maître Ibrahim David SALAMI prenant la parole pour sa plaidoirie dans un style qui lui est propre a démontré avec talents, assurance, brio et humour tenus les limites évidentes de l’accusation. Il a de prime abord dénoncé la démarche intellectuelle du procureur qui a consisté à démontrer la culpabilité de l’accusé en procédant par élimination. Pour l’avocat, cette démarche trahit le manque de certitude sur la culpabilité de l’accusé. Maître Ibrahim David SALAMI n’a d’ailleurs pas manqué de relever le nombre de fois où le procureur a prononcé le mot doute dans ses réquisitions.

Avec une maitrise parfaite du dossier répressif, il a su apporter un éclairage nouveau à l’affaire en démontrant non seulement que le crime d’assassinat n’était pas constitué dès lors que la préméditation n’a pas été établie mais aussi en inoculant le doute sur les éléments de l’imputabilité en l’occurrence. Ces doutes portent sur :

– La découverte d’un cadavre en putréfaction avec impossibilité d’en déterminer la cause, l’heure, encore moins le lieu du crime.
– Les traces de sang prétendument effacées par la seule et unique accusatrice. Peut-on même distinguer à l’œil nu le sang humain du sang d’un mouton ?
– Pourquoi la femme accusatrice de son mari, après avoir elle seule découvert du sang puis le cadavre, a-t-elle préféré ramasser ses affaires avec sa servante et quitter Pobè pour aller se réfugier auprès de sa famille près de Ifangni sans alerter la police de Pobè encore moins la maisonnée ?
– Quel est le mobile du crime alors que la preuve n’a pas été rapportée au dossier que la victime avait effectivement collecté 500 mille de sa tontine ?
– Pourquoi l’accusé qui aurait prémédité le crime n’a pas exécuté son plan les deux nuits précédant sa participation à la prière ?
– Pourquoi les enquêteurs n’ont pas retrouvé sur le lieu de la découverte du crime le pagne taché de sang de la femme de l’accusé tel qu’elle même l’a indiqué dans sa déposition ?
– Pourquoi l’arme du crime est-il difficilement identifiable et surtout introuvable (gourdin ou coup de couteau) ?
– Pourquoi l’accusé serait-il allé rejoindre sa femme qui l’accuse d’avoir commis le crime s’il en était vraiment l’auteur ?
– A qui profite le crime ? A l’accusé auprès duquel on n’a pas trouvé dès le lendemain du crime la moitié du butin prétendument dérobé ou sa femme qui en a profité pour quitter le domicile conjugal qui l’a vue faire plusieurs fausses couches ?

Ce sont autant de questions posées par l’avocat défenseur et qui ont ébranlé la certitude des juges siégeant dans cette composition criminelle.

Pour conclure, il a sollicité du tribunal l’acquittement de Monsieur Moïse OMONLEKAN au bénéfice du doute. « Monsieur le Président, Messieurs les assesseurs, je ne vous demande pas une faveur, je ne vous demande pas deux choses. Je vous demande d’acquitter mon client au bénéfice du doute », a professé avec assurance le professeur titulaire.
C’est sur ces mots que le tribunal s’est retiré pour délibérer et la règle du doute qui profite toujours à l’accusé a été célébrée soulignant tout l’intérêt d’un jury professionnel.
Monsieur Moïse OMONLEKAN a été acquitté au bénéfice du doute.
Faut-il encore rappeler que Maître Ibrahim David SALAMI a été précédemment commis d’office à la session criminelle de céans échue à la Cour d’appel de Parakou aux intérêts de djaodji GUIDADO (acquitté au bénéfice du doute pour complicité d’assassinat et Moutangou MANGA acquitté purement et simplement des faits de coups et blessures réciproques et coups mortels).

Me Ibrahim David SALAMI, un homme de cœur.

Cela est attesté par deux gestes anodins qui se sont déroulés dans cette grande salle d’audience du TPI de Pobè. Le premier : l’accusé manifestant sa soif, son avocat sort son gobelet personnel et sa bouteille d’eau et lui sert à boire. Le second : avant de prendre congé de l’accusé, Maître Ibrahim David SALAMI met la main à la poche et lui glisse un billet de banque. Je n’ai pas pu voir le montant. Ces deux actes de générosité et de compassion en ajoutent à la dimension intellectuelle de ce digne fils Yoruba qui donne envie d’avoir envie.
C’est un nouvel acquittement en session criminelle sur le tableau de chasse de Maître Ibrahim David SALAMI. Pour moi, ce sémillant et élégant avocat est mon ACQUITTATOR BENINOIS. Il vient encore d’en administrer la preuve et redonne ses lettres de noblesse à la défense pénale au Bénin.
On ne cache pas le soleil…

Rachade Oladjidé DJINADOU

Chroniqueur indépendant

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